Minerais stratégiques ou critiques: Quelles ambitions pour l’Afrique ?
La question des minerais stratégiques et critiques se trouve aujourd’hui au cœur des enjeux économiques et géopolitiques mondiaux.
Depuis la crise de 2008/2009, et dans un contexte international selon plusieurs auteurs, marquée par une augmentation de la demande mondiale, tirée notamment par la croissance de la Chine, l’urbanisation galopante et le développement de la classe moyenne, la poursuite de la transition énergétique, le déclenchement du processus d’industrialisation 4.0 des économies, sont autant des facteurs à l’origine de l’augmentation constante de la demande mondiale en minerais.
Ainsi sur base de la loi du marché connue « L’offre et la demande », deux notions distinctes mais étroitement associées émergent. Il s’agit des « minerais stratégiques » et les « minerais critiques ». Ces deux concepts sont liés et dynamiques dans le temps.
La première se rapporte aux minerais qui s’avèrent indispensables pour soutenir la politique économique, énergétique, technologique et sécuritaire d’un État. La seconde désigne les minerais qui présentent, en plus de ces caractéristiques, une vulnérabilité significative dans leur chaîne d’approvisionnement.
En outre la tendance haussière due à la demande de ces minerais est appelée à se poursuivre dans les 30 années à venir, voire à s’accélérer, eu égard aux objectifs annoncés en matière de transition énergétique, de mobilité propre, de décarbonations et de digitalisation croissante des économies et des sociétés.
Ambitions Afrique !
Rappelons qu’avec l’accélération de la transition énergétique et numérique, les besoins mondiaux en minerais critiques connaissent une croissance exponentielle ces dernières années, avec de 2017 à 2022 une hausse de 200 % de la demande de lithium, un bond de 70 % pour le cobalt et de 40 % pour le nickel. La demande de minéraux essentiels critiques devrait être multipliée par 3,5 d’ici à 2030.
L’Afrique, qui dispose de larges ressources et gisements en la matière, espère en profiter pour soutenir une trajectoire d’industrialisation fondée sur une transformation locale accrue de ses minerais et renforcer son rôle dans les chaînes de valeur internationales. Elle béneficie d’une position dominante sur quatre minerais considérés comme critiques par plusieurs listes : le cobalt, le manganèse, le chrome et le platine. Elle est également très présente sur cinq autres – le bauxite, le graphite, le cuivre, le nickel et le zinc.
Cependant différentes listes de ces minerais ont été établies par les pays consommateurs de minerais, chacune étant basée sur des hypothèses concernant la demande à venir, les utilisations futures et leur disponibilité. Elles reflètent ainsi le caractère stratégique du minerai pour le pays.
Les ambitions de l’Afrique doivent cependant être analysées au prisme des réalités géologiques, des politiques et de l’environnement de chaque pays et du contexte international.
Pour certains pays africains l’ambition s’étend jusqu’à la production de batteries à destination des véhicules électriques, ce qui dépendra aussi de l’existence d’un marché pour les véhicules alimentés par des batteries à proximité.
Du fait du manque d’accessibilité financière et d’infrastructures de recharge à l’échelle du réseau, le marché africain de l’électrique à quatre roues risque de rester longtemps limité. La chaîne de valeur des batteries fabriquées à partir de nickel, lithium et manganèse pourrait s’arrêter à la production de matériaux précurseurs de batteries.
Avec un potentiel plus important sur le marché africain des véhicules électriques à 2 ou 3 roues qui utilisent des batteries au lithium, au fer et au phosphate et sont aussi précieuses pour le stockage stationnaire de l’énergie, les industries fondées sur la chimie des batteries ont plus de chances d’être viables.
Cela requerra des investissements dans les usines de fabrication de cellules : ils seraient facilités par un soutien aux fabricants nationaux de véhicules électriques à 2 et 3 roues, par davantage de découvertes de lithium et par une coordination régionale sur le raffinage du lithium.