Culture : Fally Ipupa, victime de son appartenance à une communauté d’inconscients?

Edouard Funda
Fally Ipupa devrait être une fierté nationale. Premier artiste congolais vivant à Kinshasa à oser le Stade de France, il aurait dû rassembler un pays tout entier derrière lui. Mais au lieu de cela, l’Aigle se retrouve une fois de plus la cible d’une vague d’hostilité orchestrée… par ses propres compatriotes.
Sur les réseaux sociaux, on jubile du prétendu “retard” dans la vente de ses billets, on le compare sans vergogne à des artistes français dont les moyens, les marchés et les circuits promotionnels n’ont rien à voir avec ceux d’un musicien africain. Comme si, pour une partie de notre opinion, le succès congolais devait toujours être accueilli avec suspicion ou sarcasme.
Et voilà qu’une autre polémique éclate : un document, attribué au ministère de la Culture, évoquant une demande de soutien financier de 985 000 dollars pour son concert. Immédiatement, le peuple s’indigne, pointe du doigt Fally, l’accuse de quémander l’argent public.
Mais où était cette même indignation lorsque des millions de dollars se sont évaporés dans des projets fantômes, des marchés fictifs, des campagnes politiques inutiles ?
Où est la colère populaire quand les dirigeants pillent l’État sous nos yeux ?
Non, Fally Ipupa n’a pas volé. Il travaille, il investit, il emploie, il inspire. Il fait partie de ces rares Congolais qui, par leur talent et leur rigueur, ont su imposer le drapeau du pays sur la scène mondiale.
Le soutenir n’est pas un cadeau : c’est un investissement dans notre image, dans notre culture, dans notre fierté collective.
Ce même peuple qui s’émerveille de voir le club de Barcelone encaisser 43 millions de dollars pour un logo sur un maillot d’entraînement, s’indigne de voir un compatriote, qui nourrit des dizaines de familles, recevoir des “miettes” comme l’a dit le ministre des Finances pour un événement qui fera briller le Congo devant des milliers de spectateurs.
Quelle incohérence ! Quelle inconscience !
Le vrai problème n’est pas Fally. Le vrai problème, c’est cette mentalité d’autodestruction qui pousse tant de Congolais à applaudir le succès des autres et à mépriser celui des leurs.
Nous sommes devenus experts en jalousie patriotique : incapables de célébrer nos propres héros, prompts à les abattre dès qu’ils s’élèvent.
Un peuple sérieux soutient ses symboles.
Un peuple conscient comprend que le triomphe d’un artiste, d’un sportif ou d’un entrepreneur national, c’est une victoire collective.
Mais chez nous, on préfère démolir, salir, inventer.
Fally Ipupa ne cherche pas la pitié. Il poursuit un rêve qui dépasse sa personne : celui de voir un artiste congolais briller là où l’Afrique francophone a longtemps été absente.
Et si, pour une fois, nous faisions preuve de lucidité ?
Et si, pour une fois, nous choisissions d’être fiers au lieu d’être mesquins ?
Parce qu’au fond, ce n’est pas Fally qui a besoin du Congo.
C’est le Congo qui a besoin de Fally.